
Travailler sa diction : 1ère condition d'une prise de parole impactante
Systématiquement invisibilisée par les professionnels du story telling ou de l’éloquence, la maîtrise de la diction est au cœur de toute présentation publique, conférence ou intervention. Premier article d’une série consacrée à la prise de parole, le présent papier se donne pour objectif de vous présenter la dimension technique du geste oral. Vous trouverez, en ces lignes, différents exercices d’élocution, d’articulation et de phonation pour vous aider à parfaire (ou à faire émerger) vos talents d’orateur.
Parler n’a rien de naturel !
L’homme est un animal doué de langage, disait Aristote. Et l’on s’accorde à dire que la parole lui appartient en propre. Cela étant, si elle est effectivement rendue possible par un savant agencement de capacités organiques et cognitives, la parole n’est en soi pas le produit d’un phénomène naturel. Parler demeure un acte social. D’ailleurs, ce n’est pas parce que l’on a appris à parler que l’on sait parler. En effet, nombreux sont ceux qui confondent « parler » et « faire du bruit avec sa bouche ».
Le présent article est le premier d’une série dont l’objectif est de vous exposer un certain nombre de bonnes pratiques pour vous accompagner dans votre appréhension de ce que l’on appelle communément la « prise de parole ». Cette série d’articles est destinée à tous ceux qui souhaitent améliorer leurs compétences orales et qui sont convaincus que devenir un bon orateur ne nécessite pas de don ou de talent particulier, mais du travail.
Comédien de formation, directeur d’une compagnie de théâtre et metteur en scène, j’ai été amené au cours de ces dernières années à performer devant un public. Les conseils, astuces, réflexions dont je vais vous faire part dans le cadre de cette série d’articles trouvent ainsi leur origine dans ma pratique du jeu, dans mon expérience d’acteur, au contact de professeurs, de partenaires, et bien sûr des spectateurs.
Le pianiste fait ses gammes ; l’orateur, également
Le but de ce premier article est de vous présenter les techniques de base qu’il convient de maîtriser en tout premier lieu pour espérer faire émerger une parole structurée. Ces techniques constituent le socle, les fondations du langage articulé : autrement dit, la diction. Sera ici considérée comme « diction » l’ensemble des ressources et compétences relatif à l’expression du discours.
Les techniques inhérentes à la diction sont donc à la parole ce que les capacités athlétiques sont au sport de haut niveau. Pour perfectionner ses prises de parole, l’intégration de ces techniques constitue, par-là, une condition sine qua non. En effet, il ne s’agira de rien d’autre que de s’approprier son outil de travail, d’apprendre à le faire sien, d’apprendre à le dompter.
Tout comme le pianiste fait ses gammes, l’orateur travaille sa diction. Pour le débutant, il convient d’acquérir un certain doigté (ou une certaine finesse dans le dire, dans le cas de l’oration) ; pour le joueur expérimenté, il est davantage question de maintien en condition opérationnelle. Dans tous les cas, il faut s’exercer, s’exercer, encore s’exercer, et toujours avec méthode, régularité et patience. Les techniques de diction s’articulent autour de trois notions : l’élocution, l’articulation et la phonation.
Elocution, articulation, phonation
L’élocution peut être définie comme la manière dont les sons sont ciselés, sculptés, polis ; ici, c’est la langue qui rentre en jeu. D’une longueur moyenne de neuf centimètres, la langue est au centre de la formation du langage articulé. Et tout comme le cœur, il s’agit d’un muscle (ou plutôt d’un ensemble de muscles : dix-sept au total) qu’il est nécessaire d’entretenir pour espérer en tirer tout le potentiel. Pour ce faire, je vous suggère de placer entre vos incisives un objet de la taille d’un petit cylindre et de réciter un texte (appris ou lu) par la seule force de votre langue. Les acteurs disent habituellement qu’ils font du « travail avec le bouchon » ou « avec le stylo ». L’avantage de cet exercice est de produire des effets à court et moyen terme, et ce après seulement cinq minutes.
L’articulation est l’action consistant à prononcer de façon distincte les différents phonèmes dont se compose le langage ; ici, c’est la mâchoire qui est sollicitée. Contrairement à la langue, la mâchoire n’est évidemment pas un muscle mais l’assemblage composé des os maxillaires et de la mandibule. Néanmoins, comme pour toute autre articulation, il convient d’en prendre soin. L’enjeu est, dans le cas présent, de favoriser l’assouplissement de la mâchoire. Pour beaucoup, l’exercice consistant à répéter des formules du type « un chasseur sachant chasser chasse sans son chien » est ainsi tout indiqué ; je ne suis pas de leur avis. Pourquoi ? Parce que je considère ce genre d’exercice comme punitif et donc susceptible de produire des émotions négatives potentiellement disruptives. Je préconise davantage la répétition de groupes de phonèmes courts « gras/gris ; mâche/miche ; sac/suc », et ce en sur-articulant, en prenant tout son temps, et à pleine voix.
La phonation, enfin, se définit comme la production de la voix. L’objectif est ici de parvenir à une bonne maîtrise de la colonne d’air pour pouvoir placer sa voix là où elle se doit d’être placée, c’est-à-dire au niveau du ventre. Pour faire simple, la colonne d’air est le volume d’air emmagasiné dans les poumons et mis sous pression par le diaphragme et les muscles de la sangle abdominale. Maîtriser sa colonne d’air et parvenir à obtenir une « voix de ventre » avec des côtés flottantes bien mobiles nécessite au préalable de suivre quelques cours de chant ou de théâtre ou de se faire accompagner par un coach spécialisé en la matière. Une fois les bases acquises, vous pourrez poursuivre vos exercices par vos propres moyens. La conservation d’une phonation de qualité exige, par ailleurs, de travailler à plein volume (ce qui peut poser certains problèmes de voisinage). Mais il faut bien faire quelques sacrifices pour développer une voix blanche puissante, timbrée, qui ne tirera pas sur votre gorge. Je conseille de réaliser les exercices de phonation à la suite de ceux d’élocution et d’articulation. Ceux-ci consistent à réciter de la manière la plus pleine et neutre possible le texte, par exemple, de votre future prise de parole. Pensez à pousser votre voix jusqu’au dernier mot de chaque syntagme ; c’est essentiel car il s’agit là du seul accent tonique que nous ayons en français, ce qui permettra à votre phrase d’être davantage tenue (et de ne pas s’affaisser, comme cela est souvent le cas lors de discours de néophytes). Pour finir, rappelez-vous que ces exercices n’auront de sens et d’effets à long terme que s’ils sont pratiqués régulièrement et avec conviction.
Par Quentin Mermet, le 26 janvier 2020.